Je vais vous expliquer pourquoi mon avatar twitter est une chouette…
L’allure placide et indifférente de la chouette lapone, qui fréquente les forêts et la taïga des régions boréales, cache en fait un redoutable prédateur à la vivacité surprenante.
Introduction
On ne sait pas exactement depuis quand la chouette lapone hante les grandes forêts nordiques de conifères, car aucun reste fossile de l’espèce n’a encore été découvert. Mais les premiers représentants de sa famille, celle des strigidés, ont fait leur apparition voici plus de 20 millions d’années : on connaît notamment des fossiles du genre Strix dès le miocène supérieur.
L’origine des rapaces nocturnes ne fait pas encore l’unanimité. Seuls les liens étroits de parenté unissant tytonidés et strigidés, les deux familles actuelles de l’ordre des strigiformes, sont connus. En revanche, il est impossible de préciser où plongent les racines de leur tronc commun. Selon certains, les strigiformes présenteraient des analogies avec d’autres oiseaux nocturnes, les caprimulgiformes, qui comprennent les engoulevents et les podarges, dont le plumage également velouté leur assure un remarquable camouflage. Mais l’existence de ces liens fait l’objet de controverses.
Les plus anciens fossiles connus de strigiformes, Ogygoptynx et Berruornis, datent du paléocène (54 à 65 millions d’années) ; ils ont été découverts de part et d’autre de l’océan Atlantique, en Amérique du Nord et en Europe. Jusqu’à l’oligocène, il y a 30 millions d’années, plusieurs familles, comme les ogygoptyngidés ou les sophiornitidés, coexistent. Elles sont aujourd’hui éteintes. Du paléocène à l’oligocène, les tytonidés – famille comprenant la chouette effraie – sont les rapaces nocturnes les plus nombreux. Cette préséance cesse pourtant au miocène, quand apparaissent les premiers strigidés. Les chouettes et les hiboux de cette famille se diversifient alors d’autant plus que les espèces de tytonidés diminuent. À l’époque actuelle, les strigidés sont encore nettement plus nombreux que les tytonidés, réduits à une quinzaine d’espèces seulement.
La vie de la chouette lapone
Un habile chasseur, nuit et jour
Comme tous les rapaces nocturnes, la chouette lapone est un prédateur. Elle chasse essentiellement des mammifères, et plus particulièrement des campagnols, l’un des micromammifères les plus abondants des régions subarctiques et arctiques d’Eurasie. D’autres rongeurs, comme les mulots, peuvent également être pris pour proies. En Amérique du Nord, les gaufres – curieux petits rongeurs pourvus d’abajoues et d’énormes incisives – constituent souvent l’essentiel de ses ressources alimentaires. Viennent ensuite des proies capturées au hasard des rencontres, jeunes lièvres, musaraignes ou écureuils. Des oiseaux peuvent compléter ce menu : passereaux ou tétraonidés, tels que les gélinottes ou les lagopèdes.
Postée, à l’écoute des proies
La chouette lapone adopte diverses stratégies de chasse en fonction des nécessités du moment et des conditions météorologiques. Lorsqu’elle chasse pour satisfaire ses propres exigences, elle reste postée, comme figée, sur un perchoir, et guette les bruits et les mouvements. Une fois sa proie repérée, elle plonge rapidement, et en silence.
En période de nidification, la chouette lapone met en œuvre une technique dynamique. Elle sillonne son domaine boisé en se rendant d’un perchoir à un autre, l’œil aux aguets. En revanche, quand les conditions météorologiques se dégradent, elle reprend son attitude postée. À l’occasion de chutes de neige importantes, l’oiseau préfère rester perché plutôt que de voler, augmentant ainsi l’effet de brouillage visuel dû aux flocons. Lorsque la neige cesse de tomber, son ouïe aiguisée lui permet de repérer les rongeurs qui circulent à l’abri sous l’épais manteau neigeux. Après un vol d’élan, elle percute violemment la neige, souvent la tête la première. Dans ce cas, elle s’empare de sa proie à l’aide de son bec, sinon elle utilise ses serres.
Grâce à ses excellentes capacités visuelles, la chouette lapone chasse volontiers à l’aube et en soirée, quand la faible lumière a tendance à défavoriser certaines de ses proies sans la pénaliser elle-même. Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, elle peut chasser en pleine lumière sans être incommodée.
Une vie paisible sur un petit territoire
La chouette lapone n’est pas une grande voyageuse. Plutôt sédentaire, elle cherche d’ordinaire à s’installer, lorsqu’elle atteint sa maturité sexuelle (vers 4-5 ans), près du secteur où elle a vu le jour.
Une défense très limitée
Dans des conditions normales, la chouette passe l’hiver dans une zone correspondant à peu près au territoire exploité au printemps et en été, pendant la nidification.
Cette sédentarité des oiseaux adultes est très liée au climat et aux disponibilités alimentaires. Dans l’Ancien Monde, les chouettes de Scandinavie sont plus sédentaires que celles de Russie. En Amérique du Nord, les populations du sud-ouest de l’aire de répartition (Californie, Nevada…) paraissent les plus stables.
En fait, il semble bien que le territoire de la chouette lapone, au sens strict du terme, se limite aux abords immédiats du site de nidification et ne fasse pas l’objet d’une défense très active. Selon des études menées dans les années 1980 et fondées sur l’observation directe, ainsi que sur les indications fournies par des émetteurs radio miniaturisés fixés sur quelques oiseaux, les chercheurs canadiens E.L. Bull et M.G. Henjum ont pu noter que la possession et la défense d’un territoire ne sont pas des notions fondamentales chez la chouette lapone. Cela est d’autant plus surprenant que les autres rapaces nocturnes d’une taille comparable se montrent nettement plus territoriaux et plus agressifs contre tout intrus qui s’aviserait de s’installer sur leur domaine. L’explication fournie par les deux ornithologues canadiens repose sur des différences de régime alimentaire. Les grands rapaces nocturnes septentrionaux d’Amérique du Nord s’attaquent, en règle générale, à des proies assez grosses et relativement peu abondantes. Ils se trouvent donc dans l’obligation de régner sur une portion de terrain suffisamment grande qui leur garantit des ressources convenables. Au contraire, la chouette lapone chasse essentiellement des proies de petite taille, des rongeurs aux effectifs importants et faciles à capturer. Dès lors, elle peut, sans en pâtir, supporter la concurrence modérée de quelques congénères.
Un voisinage souvent pacifique
La densité de la chouette lapone est très variable, et se trouve étroitement liée au degré d’abondance des proies. Elle est en moyenne moins élevée en Europe qu’en Asie ou en Amérique du Nord. À titre d’exemple, selon l’ornithologue suisse P. Géroudet, seuls deux nids (distants de 100 km) étaient connus dans le nord de la Suède en 1964, ce que confirme l’ornithologue suédois Risberg, qui précise que le nombre des couples nicheurs potentiels peut être compris entre 0 et 100. En Sibérie orientale ou au Canada, les densités sont plus fortes. Aux États-Unis, dans l’Oregon, Bull et Henjum ont noté jusqu’à huit couples (reproducteurs ou non) ayant occupé sur cinq ans un secteur de forêt d’à peine 30 kilomètres carrés.
Mais cette bienveillante tolérance n’est pas toujours de mise chez toutes les chouettes lapones à travers leur immense aire de répartition. Certaines ont des prétentions territoriales plus affirmées.
Question de déplacements
Question de déplacements
Les ornithologues disposent d’un éventail de termes précis pour qualifier les oiseaux en fonction de leurs mouvements. Les adultes qui ne s’écartent guère de leur secteur de taïga sont dits sédentaires. Les jeunes avant leur maturité sexuelle et leur première nidification sont dits erratiques tant qu’ils se déplacent à la recherche d’un domaine. Enfin, les mouvements fortement irréguliers auxquels se livrent surtout les jeunes oiseaux immatures en cas de disette prolongée sont nommés irruptions.
Des parades longuement chantées
La saison des amours démarre dès le mois de janvier. Le mâle s’efforce de séduire la femelle par des vols de parade lents et onduleux, auxquels se joint parfois sa future partenaire. Particulièrement attentionné, il peut également offrir une proie à sa compagne. Vers la mi-février, le mâle se met à la recherche d’un nid. Il se poste près d’un emplacement éventuel et commence à chanter. Son appel, qui ne porte guère à plus d’une centaine de mètres, se compose de séries monotones d’une douzaine de « hou » graves, dont le rythme va s’accélérant en même temps que le ton baisse. Lorsque la femelle se montre intéressée, elle rejoint le mâle. Dans le cas contraire, ce dernier poursuit sa recherche.
Les couples sont normalement durables.
Un nid chez les autres
Difficile à observer, le déroulement de l’accouplement n’est pas assez bien connu pour qu’il soit possible d’en tirer des conclusions applicables à l’ensemble de l’espèce. En revanche, on sait parfaitement quels sont les critères de choix du nid.
La chouette lapone ne construit pas de nid mais s’adjuge celui laissé vacant par une autre espèce. Situé haut dans un arbre, celui-ci peut être une ancienne aire de rapace diurne (buse, vautour, balbuzard), ou le nid d’un corvidé comme le grand corbeau.
La chouette lapone choisit en principe une construction de branchages assez volumineuse. Mais elle peut aussi se contenter du sommet évidé d’un arbre étêté, voire s’installer sur le sol. Le nid ne possède pas d’aménagement particulier.
Des naissances échelonnées
La ponte peut commencer au début du mois d’avril ; généralement, elle a lieu dans la deuxième quinzaine de ce mois et se poursuit jusqu’au début de mai. Elle compte en moyenne de 3 à 6 œufs, pondus à plusieurs jours d’intervalle. Ce chiffre peut chuter à 1 ou 2 ou, au contraire, s’élever à 9, selon les disponibilités alimentaires. Les échecs – il en existe – se produisent à différents stades. S’ils interviennent peu de temps après la ponte, une seconde ponte, dite de remplacement, peut avoir lieu. Les œufs sont presque sphériques, et d’un blanc immaculé. La femelle assure seule l’incubation. Grâce à son plumage finement tacheté, rigoureusement immobile sur son nid, elle se confond avec son environnement. Ravitaillée par le mâle, elle ne s’accorde que de très brèves pauses, de moins de 5 minutes, et ne perd jamais de vue sa couvée.
L’éclosion intervient, en moyenne, entre le 28e et le 30e jour. Mais, du fait que la ponte se poursuit pendant près de 12 jours et que la femelle commence à couver dès le premier œuf pondu, les écarts de taille entre les poussins d’une même nichée sont très importants. À l’éclosion, et jusqu’à l’âge de 7 jours, les poussins ont les paupières soudées. Leur premier duvet, d’un blanc sale, est ras et clairsemé, laissant deviner la peau rosée. Les oisillons sont alors incapables de se mouvoir.
Des parents exemplaires
La femelle prend grand soin de ses jeunes, qu’elle n’abandonne jamais durant les premiers jours de leur vie. Le mâle est donc en charge du ravitaillement et se livre à de multiples allées et venues pour satisfaire l’appétit des petits. Au début de leur croissance, les poussins reçoivent des morceaux de proie déchirés par la femelle.
Durant cette période d’élevage, les adultes, accaparés par le nourrissage, n’ont guère de temps à consacrer à leur propre alimentation. Il s’ensuit une perte de poids, surtout sensible chez la femelle.
Des oisillons très intrépides
La croissance des jeunes chouettes lapones se déroule par paliers successifs bien définis. Durant les premiers jours, le duvet des poussins est une protection toute relative qui ne permet pas aux petits de se réchauffer par eux-mêmes. Ceux-ci restent donc au chaud, près de leur mère. Au bout de quelques jours, le premier manteau blanchâtre est remplacé par un autre, appelé second duvet. Grisâtre, il est beaucoup plus fourni et garantit ainsi une meilleure isolation. Petit à petit, le disque facial entourant chaque œil se dessine, mais, au lieu d’être à dominante claire comme chez l’adulte, if est gris sombre. Puis apparaissent les plumes de vol, celles des ailes (rémiges) et de la queue (rectrices). Ce ne sont d’abord que des sortes de tuyaux alignés, mais bientôt les plumes en émergent. Enfin, les plumes de couverture (plumes du corps, de la tête, du dessus et du dessous des ailes) poussent à leur tour, masquant progressivement le duvet gris.
Une chute indispensable
Les jeunes quittent le nid avant même de savoir voler. Vers l’âge de trois semaines, en pleine nuit, ils n’hésitent pas à se laisser tomber de plusieurs mètres, sans crainte du vide. Le plus souvent, leur chute est amortie par le sol de la taïga, couvert d’une épaisse couche de mousse et d’aiguilles sèches. Ils ne vont pas plus loin, restant dans les environs immédiats, et se trouvent alors très exposés. D’autant qu’ils signalent aux adultes, par des plaintes appelées « cris de quémandage », leur position exacte pour que ceux-ci puissent venir les nourrir.
Pendant les jours qui suivent, les petits s’essaient à battre des ailes et commencent à voleter. Vers un mois, les jeunes chouettes savent voler mais restent dépendantes jusqu’à 4 ou 5 mois.
Pour tout savoir sur la chouette lapone
Chouette lapone (Strix nebulosa)
Ce grand oiseau gris tacheté de noir possède toutes les caractéristiques des rapaces nocturnes prédateurs. Son plumage duveteux lui assure un vol silencieux, indétectable par ses victimes. Ses serres puissantes sont munies d’ongles arqués et acérés, et garantissent une prise ferme. Enfin, son bec crochu peut, tour à tour, donner le coup de grâce ou déchirer les chairs. La chouette lapone est un des plus grands rapaces nocturnes. Mais son volume n’est qu’apparence. Le plumage masque un corps à la morphologie plutôt délicate. Pour une envergure comprise entre 1,35 m et 1,60 m, cette chouette ne pèse en fait que 845 g en moyenne pour les mâles et 1 140 g pour les femelles.
La silhouette de la chouette est très typique. Elle adopte souvent une attitude dressée, presque verticale. Sa tête, ronde et volumineuse, porte deux grands yeux. L’iris jaune vif confère à son regard une intensité particulière. Les yeux sont placés côte à côte sur le même plan et orientés vers l’avant. Cette disposition permet à la chouette de bénéficier d’une bonne perception du relief par recoupement du champ visuel des deux yeux. Mais ceux-ci ne pivotent pas dans leur orbite. Pour pallier cette particularité gênante, la tête est extraordinairement mobile, elle bascule d’avant en arrière et pivote sur elle-même, la rotation avoisinant 270° grâce à la conformation originale des vertèbres cervicales. La chouette lapone peut ainsi se retrouver avec le bec en haut et les yeux en bas ou bien tourner la tête presque totalement pour regarder derrière elle.
Chaque œil est entouré d’un disque de plumes nommé « disque facial », qui agit comme un réflecteur chargé de diriger les sons vers les cavités auriculaires. Celles-ci, munies de deux « pavillons » de plumes raides et bien serrées les unes contre les autres, sont très ouvertes. Le premier pavillon est placé en avant du méat auditif et le second en arrière. Chacun étant mû par un système musculaire indépendant, la chouette peut choisir de porter son attention sur un son venant de l’avant, de côté ou même de derrière. Dans ce dernier cas, les pavillons arrière sont rabattus pour laisser passer les sons, alors que ceux de l’avant sont redressés afin de les arrêter et de les diriger vers l’oreille.
Le bec est partiellement caché par les vibrisses, courtes plumes raides de la face. Il est assez important et nettement crochu. Les vibrisses ont une fonction sensorielle et permettent à la chouette lapone de localiser facilement des objets très proches. Les chouettes, comme les hiboux, sont en effet hypermétropes : elles distinguent bien les objets éloignés mais ont des difficultés à percevoir ceux qui sont à proximité immédiate.
Chaque patte possède quatre doigts, deux vers l’avant et deux vers l’arrière. Cette disposition, dite « zygodactyle », que l’on retrouve chez quelques autres oiseaux, est idéale pour bien agripper un perchoir ou une proie. La prise des serres est d’ailleurs améliorée par la présence, sous les doigts, de callosités bombées, que l’on appelle les « pelotes », sortes de crampons antidérapants. Les ongles, développés et pointus, sont des armes redoutables dont l’efficacité est renforcée par la pression même des doigts qui provoque rapidement la mort des proies.
Gonflant et épais, le plumage de la chouette lapone offre, à l’évidence, une isolation thermique optimale, car il emprisonne, au niveau du duvet, une couche d’air réchauffé au contact du corps. Ce n’est pas là son seul avantage. Les teintes qu’il arbore assurent un remarquable camouflage. Les plumes n’ont pas une surface lisse mais veloutée, et la partie antérieure des premières rémiges (longues plumes des ailes) est en forme de toutes petites dents de peigne. Ces deux adaptations garantissent un vol silencieux en évitant les sifflements d’air.
La chouette lapone ne possède pas de jabot, puisqu’elle n’a pas besoin de stocker les aliments pour les redistribuer aux jeunes par régurgitation. Les éléments indigestes, non assimilés, sont recrachés par la cavité buccale sous forme de cylindres ovales appelés « pelotes de réjection », et contiennent de précieuses indications pour mieux connaître le régime alimentaire de l’espèce.
Comments are closed.